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L'habitat en pisé, écolo avant l'heure

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Les murs des habitations en pisé sont régulièrement ornés de motifs géométriques berbères. © Laurie Arnauné

Par Laurie

21 févr. 2018

Héritage d'une longue tradition berbère, le pisé est utilisé pour la construction des kasbahs et ksour que l'on découvre lors d'un circuit au Maroc. À l'heure où la tendance est aux préoccupations écologiques, ce matériau ancestral revient sur le devant de la scène architecturale. Écolo, respectueux de l’environnement et économe, l'habitat en pisé dispose de plus d’un atout. De quoi lui promettre un bel avenir. 

 

 

Une architecture emblématique du Maroc

Les chefs d’œuvres éclatants de la grande tradition hispano-mauresque ont parfois tendance à faire oublier l’autre grande tradition marocaine, qui puise ses racines dans la nuit des temps. Lotis dans les vallées de l'Atlas et du Rif, les kasbahs, les ksour et autres habitations en pisé sont les héritiers de cette ancienne tradition berbère. Bien avant la conquête arabe, les bâtisseurs des oasis maîtrisaient cette architecture devenue emblématique du sud du Maroc.

Ces châteaux de terre, souvent perchés sur des promontoires, représentaient jadis l’autorité des seigneurs, des caïds ou des Pacha. Plus simples, elles pouvaient aussi jouer le rôle de villages d’habitation. Cette particularité architecturale confère aux vallées du Drâa, du Dadès et de l’Ounila (pour ne citer qu’elles) une beauté particulièrement saisissante. Rurale, organique et épurée, l’architecture en pisé se fond dans le paysage avec la grâce et la légèreté d’un élément naturel.

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Le ksar d'Ait Ben Haddou, dans le Sud du Maroc, abrite de superbes exemples d'architecture en pisé. © Laurie Arnauné

Une technique enracinée dans la culture berbère

Naturel, vous avez dit ? Assurément. Et pour cause, le pisé utilise l’un des plus anciens matériaux de construction de l’histoire de l’humanité : la terre crue. 30 % de la population vivrait de nos jours dans des habitations en terre. Présentant une granulométrie hétérogène, elle est humidifiée et malaxée, avant d'être compactée puis tassée à l’aide d’un pilon, le tout entre deux planches en bois de grande largeur qui forment le coffrage.

Une fois le morceau de terre bâti, le coffrage en bois est retiré puis le mur élevé par superposition de couches de terre. Les maçons, supervisés par le mâalem (maître-artisan), élèvent les branches qui soutiennent le coffrage au fur et à mesure de l’élévation du mur. Le pisé peut composer l’ensemble de l’édifice ou reposer sur des poutres de palmiers et un soubassement de pierre. Les murs peuvent être décorés de motifs géométriques berbères, que l’on retrouve sur les tapis, les bijoux ou encore les tatouages des femmes.

Le toit-terrasse nécessite quant à lui des précautions particulières. Fait de roseaux et recouvert de terre crue, il repose sur des poutres en bois de palmiers ou de tamaris. Reste à appliquer un revêtement de terre et de paille pétrie sur les murs et la toiture. Si la technique du pisé demeure ancestrale, les modes de préparation actuels évoluent. Briques de terre comprimée et acquis nouveaux visent à augmenter la résistance du pisé sans en altérer ses vertus.

Où admirer des constructions en pisé au Maroc ?
Les vallées des Roses, du Dadès, du Todhra, du Drâa et du Ziz concentrent de beaux spécimens de construction en pisé aux états de conservation variables. Le ksar d’Ait Benhadou, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, est le plus bel exemple d'architecture en pisé au Maroc.

Un patrimoine en danger

L’habitat traditionnel en pisé prédominait dans les vallées du Sud marocain jusqu’au dernier quart de siècle. De part et d’autre des moindres filets d’eau, les berbères ont planté leurs maisons, leurs villages et leurs racines dans la terre. Puis le béton est arrivé. Malgré son prix prohibitif et ses finitions parfois douteuses, il a poussé les habitants à abandonner leurs villages aux caprices du climat et de l’indifférence. Car, à défaut d’entretien régulier, les constructions en pisé se fondent dans la terre en moins d’un siècle, sans laisser de traces.

Le diagnostic est alarmant. À défaut de mesures concrètes, de nombreux spécimens de constructions en pisé pourraient s’effacer à tout jamais du patrimoine marocain. Il suffit de voir l’état de délabrement avancé de la kasbah de Telouet, de la kasbah de Tineghir et de la kasbah de Tamdaght (pourtant historiques) pour comprendre la gravité du problème.

Abandonné au profit du béton et du ciment, jugés plus modernes, le pisé a longtemps été considéré comme archaïque. Heureusement, depuis la résurgence des problématiques environnementales, ce mode de construction vit une petite résurrection. Les raisons ? Le pisé serait plus plus écologique, plus économique, plus naturel et moins gourmand en matériaux.

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De nombreuses kasbah du Sud marocain sont à l'abandon, comme ici dans la vallée du Dadès. © Laurie Arnauné

Un matériau aux multiples avantages

Car le processus de fabrication du pisé ne nécessite que peu d’énergie. De plus, la terre est une matière première locale et abondante. Autre avantage : la densité des murs (environ 40 cm) confère de précieuses qualités de régulation thermique et phonique. La climatisation réversible est naturelle, et ce en toutes saisons. Cela se ressent invariablement sur la température ambiante des intérieurs, mais aussi sur le faible montant de la facture.

Quid du coût de revient d’une maison en pisé ? Contrairement aux idées reçues, celui-ci est moins onéreux que celui d’un habitat utilisant des matériaux dits modernes. Dans le cadre de l’utilisation de blocs de terre comprimée, le coût s’aligne sur celui de la construction en béton. Reste qu'environ 50 % du tarif revient directement à la main d’œuvre. Ce qui, socialement, représente un avantage de taille.

Une architecture qui reprend des couleurs au Maroc

Réadoptée par les maisons d’hôtes, les écolodges et les particuliers, la kasbah de style berbère, plantée dans les vallées où fleurissent des milliers de lauriers roses, est en phase de supplanter les riads hispano-mauresques des médinas. Encouragées par l’Unesco et le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), les associations d’architectes et de défenseurs du patrimoine remuent aussi ciel et terre pour œuvrer à la valorisation du patrimoine culturel en pisé.

Un programme de restauration et de valorisation des kasbahs a par ailleurs été récemment mis en place dans le cadre de la vision 2020 du ministère du tourisme marocain. Son objectif ? Acquérir des édifices dans le but de mettre en place un réseau de structures hôtelières historiques, à l’instar des paradores en Espagne. Souhaitons à ce projet une aussi belle réussite que son homologue ibérique.

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Les constructions en pisé, à la fois écologiques et économiques, sont régulièrement transformées en hôtels. © Laurie Arnauné